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Publié : 21 février 2022

Asymétrie corporelle ...

La dissymétrie dans le vivant

En parlant torsion ou hélice, nous introduisons une idée fondamentale qui va à contre-courant de nos habitudes acquises. Nous avons toujours travaillé avec un plan médian qui partageait le corps en deux. Un côté droit, un côté gauche. Un membre d’un côté, un membre de l’autre. Un sternum central et des côtes de chaque côté. Un œil de chaque côté de l’axe central du visage, etc. Et nous avons ainsi appris à travailler une articulation sacro-iliaque de la même façon à droite qu’à gauche , un temporal droit de la même façon qu’un temporal gauche. En nous étonnant toutefois que les dysfonctions trouvées soient préférentiellement d’un côté en particulier pour le sacrum, mais sans en tirer de conclusions.

Pourtant les signes qui nous disent que la règle qui nous donne une équivalence droite/gauche est erronée sont légions.

D’abord pour les organes, cette règle s’effondre facilement, pour le cœur à gauche, le foie principalement à droite, l’estomac principalement à gauche... Si nous avons un poumon droit et un poumon gauche, ils ne sont pas les mêmes, idem pour le rein gauche et droit qui n’ont ni la même forme ni le même positionnement par rapport au rachis...

Ensuite, n’importe quel fabricant de chaussure vous dira qu’on ne fait pas de la même façon une chaussure pour un pied gauche et une chaussure pour un pied droit.

Si l’on décompose avec un logiciel un visage en accolant deux moitiés droites et deux moitiés gauche, on se rend compte que les deux chimères ne nous parlent pas de la même personne.

Cette dissymétrie, en ostéopathie, nous l’avons classée dans les anecdotes, les artefacts et ne savons pas quoi en faire.

Pourtant, son origine remonte à loin dans la genèse de l’univers et de la vie.

Les astrophysiciens, dans leurs théories, nous disent qu’au moment du big bang, moment supposé de la création de notre univers, il est né de la matière et de l’antimatière en quantité phénoménale. Les deux se sont joyeusement annihilées, une particule de matière qui rencontre une particule d’antimatière fait un magnifique feu d’artifice qui ne laisse que de l’énergie derrière lui. Pourtant, nous sommes faits de matière, il y avait donc plus de matière que d’antimatière ...

Les particules que nous croyions insécables (électrons, protons) sont en fait constituées de sous particules, les quarks (charme, bottom, up, etc ) et des antiquarks (up et down). Récemment, les dernières observations montrent que dans le proton pour lequel les physiciens s’attendaient à trouver autant d’antiquark up que d’antiquark down, on a finalement découvert qu’il y avait plus de Down que de up … dissymétrie encore.

S’agissant des acides aminés qui composent les protéines du vivant, on s’est aperçu que parmi les deux formes possibles de ces molécules gauche (L pour lévogyre, “qui tourne à gauche”) et droite (D pour dextrogyre “qui tourne à droite”), molécules symétriques par rapport à un miroir, le vivant à choisi quasi exclusivement des formes gauche seules capables de réaliser les bonnes structures des protéines dans l’espace. Ce sont aussi des formes qui interagissent avec la lumière en la faisant tourner vers la gauche. Les dernières théories pensent que c’est dans l’espace que s’est imposé ce choix. Il est est de même pour les molécules type sucre qui elles, sont toutes orientées D.

Notre corps se débrouille donc bien avec ces formes orientées et ne sait comment traiter les molécules soeurs inversées. C’est peut être bien là un des problèmes de l’utilisation à tout va des molécules additives et exhausteur de goût qui sont des molécules synthétisées par la chimie donc souvent ayant en quantité égale des formes L et des formes D. Ainsi l’acide glutamique que l’on consomme sous forme de Glutamate est un des produits les plus employés à cette fin. Le sucre inverti est un sucre issu de l’industrie et qui devient lévogyre dans son mélange fructose-glucose au lieu d’être dextrogyre comme le saccharose dont il est souvent issu. Il est soupçonné d’être à l’origine de l’épidémie d’obésité et de diabète … on ne joue pas impunément avec la dissymétrie naturelle. Remarquons bien que cette dissymétrie est structurelle (forme des molécules) mais aussi fonctionnelle (action sur la lumière polarisée).

Ensuite, quand le corps assemble les molécules d’acides aminés (protéines), la plupart du temps, il les crée en hélices, permises par les seuls acides aminés L. Les protéines peuvent aussi se mettre en “feuillet”, mais c’est souvent pathologique (maladie de creutzfeldt-jakob), le corps ne sachant plus manipuler une telle forme qu’il prend comme un déchet qui s’accumule alors.

Quand le corps assemble des sucres (ADN, amidon), il en fait des hélices …

L’hélice est une structure dissymétrique dans un plan médian, elle peut partir vers la droite ou vers la gauche. Dans la nomenclature que nous employons, la plupart de celles qui composent le vivant sont gauches selon NOTRE nomenclature … (Ha la nomenclature, petite joyeuseté que nous réservons pour plus tard).

Selon Vincent Fleury s’agissant du développement embryonnaire, la division cellulaire est dissymétrique : les deux morceaux issus de la division d’une cellule ne sont pas de taille équivalente et de là s’installe l’orientation du foetus (tête/queue ; dos/ventre) : “l’asymétrie de l’animal final (...) provient de l’asymétrie des premières divisions cellulaires” (“Les tourbillons de la vie - une simple histoire de nos origines” Fayard 2017)

Cette dissymétrie se retrouve également à l’échelle de la cellule et de son environnement : polarité de part et d’autre de la membrane cellulaire induite par un gradient de concentration moléculaire. On peut se demander pourquoi cette persistance, d’une dissymétrie à tous les échelons de l’univers et de la matière, puis dans la vie.

Je vais émettre une hypothèse très simple et qui nous suffira pour travailler : Si il y a symétrie, le mouvement finit par s’arrêter, et c’est la mort. La dissymétrie permet au mouvement de s’entretenir pour aller jusqu’à la vie. Et, nous, ostéopathes guidés par l’œuvre de Still, décrétons bien que la vie, c’est le mouvement.

Il faut juste que nous ajustions nos concepts pour intégrer cette dissymétrie inextricable de n’importe quel étage du vivant et de la matière aux fondements de notre pratique, en oubliant le mirage de la symétrie droite/gauche.

Source illustration : article 776