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Publié : 22 décembre 2024

Un avion et une vertèbre ...

Un avion et une vertèbre ... S’aimaient d’amour tendre, mais ils ne savaient pas qu’ils étaient semblables !

Au fil des textes, s’insinue l’idée que la vie est capable de mettre en place un puzzle qui finit par faire un tableau qui nous pousse vers nous mêmes et ce que nous aimons, un portrait d’âme, sans que nous en soyons conscient. Ce n’est pas ce texte-ci qui va infléchir cette idée...

J’avais donné mes premiers cours d’ostéopathie cette année là. Et parmi les élèves, il y avait Jean Louis, vétérinaire suisse, ancien pilote de l’armée. Les cours finis, je reçus un coup de fil :
 Allo, c’est Jean Louis.
 Salut, content de t’entendre.
 Dis donc, je n’arrive pas à me lancer dans ma clientèle, est ce que tu viendrais quelques jours me suivre et me mettre le pied à L’étrier ?
 Bah ma fois ... Pour un gars balaise en concours complet à cheval, c’était étonnant qu’il me fasse sa demande par cette expression.

Il en fut donc ainsi, une manière agréable de faire un séjour helvète. Mais au cours du séjour un moment particulier résonna très fort en moi. Jean Louis sachant que j’avais eu mon brevet de pilote et que j’adorai voler, ce que je ne faisais hélas plus, demanda à un de ses amis de m’emmener dans son petit avion de tourisme. Décollage de l’aérodrome de Blécherette vers le lac Léman.

Après quelques minutes de vol qui ravivaient mes sensations aériennes négligées, abandonnées, depuis que la profession de vétérinaire de Montagne m’avait accaparé. Le pilote me propose le manche ... Bref passer de passager à pilote et retrouver les sensations du pilotage et non pas seulement les sensations du vol. Pas de problèmes, c’est le même type d’avion que je pilotai avant, le vrai pilote était là pour rattraper en cas de problème, et puis c’est comme le vélo... Cela ne s’oublie pas.

Mais alors que je manœuvrai le manche pour modifier la trajectoire de l’avion, tout un puzzle s’emboita dans ma tête et me stupéfia.

En effet, j’ai vraiment senti à ce moment là que l’impression vécue dans mon corps lors des modifications d’inclinaison et de rotation de la trajectoire de l’avion étaient exactement les mêmes que celles que je ressentais tous les jours en modifiant les tensions autour des vertèbres et qui accompagnaient leur nouvelle possibilité de mouvements adaptatifs. Je n’ai pas utilisé le terme de "remise en place" qui est un vocabulaire que tout le monde connait et utilise pour une vertèbre "déplacée" mais qui n’est absolument pas juste. On parle de l’impossibilité pour un tissu (os ou autre) à réaliser le mouvement adaptatif qui lui est demandé pour suivre de manière fluide l’ensemble du corps. Et quand cette adaptabilité se normalise on ressent dans tout son corps, effectivement, le tissu qui se détend et s’oriente différemment. Il était bluffant de pouvoir superposer la sensation d’une vertèbre qui se normalise à celle d’un avion qui modifie sa trajectoire.

Pourtant à y regarder de plus près, les deux se ressemblent :
 La carlingue est le corps de la vertèbre
 Les ailes, les apophyses transverses.
 Et le dérive, l’apophyse épineuse ...

Eurêka ! Bien qu’ignorant à ce moment là tout de ce futur métier d’ostéopathe qui me prendrait au corps, quand j’ai voulu, malgré les études de vétérinaires en point de mire, apprendre à piloter à l’âge de 16 ans [1], ... Il me fallut aussi financer la chose. Mes parents ouvriers faisant plus que le maximum, c’est à dire trop peu au regard de la somme requise, je trouvais un moyen de les aider en apprenant avec un généreux garde forestier voisin à empailler les animaux.

Des après midi et week-end entiers passèrent à dépecer, puis, redonner une attitude, un regard à des peaux de chevreuils, de sangliers, de faisans ...

J’ai donc appris les sensations d’une mobilité de vertèbre avec un petit avion Cessna 152, en le finançant par une activité où, avec les mains j’apprenais à donner des formes à une peau de mammifère ou d’oiseau, en les bourrant , les modelant, les lissant pendant des heures pour arriver à trouver la corpulence, les formes, et l’attitude juste ... Bref de l’ostéopathie sans le savoir.

Aussi, entraîné déjà sans en être conscient, je m’étais plongé naturellement dans ce qui "fait" l’ostéopathe : sa capacité à sentir et ressentir ce qui se passe quand on teste et traite un corps.

A la suite de cet épisode, le virus du vol m’a repris, j’ai donc cherché à réactiver ma licence. Ayant à ce moment là des clients sur la Costa brava qui me faisaient soigner leur chevaux, il me vint l’idée d’embrigader mon instructeur pour un voyage espagnol. Saint-Girons/Girona ... Là, les clients viendraient nous chercher, nous ferions la tournée et reviendrions tranquillement dans les airs pendant la longue soirée estivale. Banco !

Et nous voilà partis pour une aventure vraiment cool. L’aller se passa sans encombres, et nous fîmes la tournée.

Dans le milieu d’après midi, je voyais que "Philou", l’instructeur, me regardait toucher les chevaux avec curiosité et commençait à poser quelques questions. Outre le rôle d’instructeur avion, il était un champion de planeur. Aussi en guise d’explication, me souvenant de mon expérience aéronautique helvète, je lui dis :
 Mets la main sur la croupe de cette jument. Tu es 20 cm au dessus du sacrum qui est un os dont on va dire qu’il est plat et de forme triangulaire avec la base orientée vers le crâne. Imagines que tu es assis dans ton planeur.
 Ok, dit-il, joignant le geste à la parole avec courage car la position derrière un cheval peut s’avérer impressionnante.
 Maintenant dis moi dans quelle position est ton planeur dans l’espace.

Et le voilà me mimant la position du planeur telle que j’avais ressenti le sacrum. Zéro faute.

 Alors maintenant, tu vas faire l’inverse de ce que tu ferais dans ton planeur pour le redresser. Normalement tu mettrais du manche dans le sens inverse de l’inclinaison frontale ou latérale. Là tu vas accentuer l’inclinaison et très vite tu vas sentir que de manière élastique le tissu va vouloir revenir en arrière et de nouveau te donner l’impression que tu es horizontal dans ton repaire 3D.

Il s’éxécuta avec facilité, un peu ébahi ... Et vérification faite la manipulation dite fonctionnelle indirecte avait bien fonctionné ...

Ce soir là, en rentrant, en modifiant notre altitude de vol, nous avons, grands gamins, fait se coucher et se lever le soleil plusieurs fois au dessus de Saint Girons !

Alors les Ostéos, vous apprenez à piloter pour vous entraîner ?

Post-scriptum

L’ULM en photo est celui de Jean Louis Vidal

Lever de Jour.<<<****>>>Cueillette d’hiver ?
 Silence, On écrit : sommaire : La vie Kaléidoscope.

Version du 22/12/24

Notes

[1Souvenez-vous, je voulais être vétérinaire ou pilote d’avion